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Pour contrer la pénurie de main-d’œuvre, l’industrie du transport routier doit s’adapter

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Pour contrer la pénurie de main-d’œuvre, l’industrie du transport routier doit s’adapter

Par : Souveraine Assurance | Avec K. Dutchak

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C’est une tempête parfaite.   

C’est en ces mots que Kevin Dutchak, spécialiste principal des risques chez Souveraine Assurance, décrit l’actuelle pénurie de chauffeurs routiers au Canada. Au cours du 2e trimestre de 2022, le nombre d’emplois vacants chez les chauffeurs a culminé à 28 210, puis est demeuré élevé, à 26 900, durant le 3e trimestre, ce qui représente un taux de vacance de 7,9 %, selon le plus récent Portrait du marché du travail (janvier 2023) de RH Camionnage Canada, un organisme sans but lucratif national1.

« Durant la pandémie, de nombreux chauffeurs ont quitté l'industrie et, à mesure que nous reprenons les choses en main, beaucoup d'entre eux ne reviennent pas, indique Kevin. Certains ont pris leur retraite et d’autres se sont trouvé du travail dans d’autres secteurs. » 

Parallèlement à ce phénomène, Kevin souligne que la main-d’œuvre vieillit au sein de l’industrie. En fait, 35 % des camionneurs au Canada ont 55 ans et plus, par rapport à une proportion de 22 % des travailleurs dans l’ensemble des secteurs. L’industrie compte aussi parmi celles où les femmes sont le moins représentées, puisqu’on ne répertorie que 4 % de camionneuses2.

« Il n’y a pas beaucoup de sang neuf dans le secteur, poursuit Kevin. Selon mon expérience, il n’y a pas beaucoup de nouveaux camionneurs qui se lancent dans le domaine. » À cet égard, les recherches démontrent que seulement 9,5 % des camionneurs au Canada ont moins de 30 ans, alors qu’ils représentent 24 % de la population active canadienne, et qu’à peine 28 % ont moins de 40 ans, ce groupe constituant 45 % de la population active canadienne3.

Selon RH Camionnage Canada, quelques facteurs découragent les travailleurs de faire carrière dans le secteur du camionnage. D’après l’organisation, l’image de l’industrie souffrirait de « stéréotypes trompeurs », surtout auprès des milléniaux, et le camionnage ne serait pas perçu comme un choix de carrière à long terme. De plus, l’équilibre vie personnelle-travail constitue une priorité pour les travailleurs de nos jours, ce qui englobe des salaires et des avantages sociaux raisonnables, un horaire prévisible, des conditions de salaire sécuritaires et une bonne stabilité d’emploi4.

Cette tempête parfaite de facteurs se solde par une facture assez salée. En 2020, RH Camionnage Canada estimait que la pénurie de chauffeurs pouvait représenter des coûts de 3,1 G$ par année pour l’industrie du transport routier4. Or, l’industrie du camionnage n’est pas la seule à porter le fardeau de la pénurie de conducteurs dans son ensemble. L’Alliance canadienne du camionnage (ACC) souligne que les conséquences pour les entreprises qui dépendent du camionnage – des agriculteurs aux épiciers en passant par les pièces automobiles – se traduisent par des augmentations de coûts pouvant atteindre 30 %, accompagnées de goulots d’étranglement dans les inventaires, de perturbations manufacturières et de risques pour la sécurité alimentaire nationale5.

Bien qu’il n’y ait pas de solution miracle pour résoudre les problèmes de main-d’œuvre, il existe plusieurs moyens d’attirer et de retenir les travailleurs, notamment la promotion des aspects positifs du camionnage et de la logistique (p. ex., un travail stable ainsi qu’un sentiment de liberté et d’indépendance), la promotion des politiques et procédures de sécurité, l’introduction de subventions financières à l’éducation et à la formation et le travail sur les perceptions que peuvent avoir les femmes et les jeunes générations de l’industrie du camionnage6.  

Kevin, qui a même travaillé comme camionneur en début de carrière, est d’avis que l’industrie doit sortir des sentiers battus. « Il n’y a pas beaucoup d’intérêt à prendre la route, à s’éloigner de sa famille pendant deux ou trois semaines et à passer tout ce temps sur une couchette de camion, explique-t-il. D’où la diminution du nombre de chauffeurs disposés à faire de longs trajets. Bien que nous ayons toujours besoin de chauffeurs pour parcourir le pays, de nombreuses entreprises de transport se centralisent de plus en plus dans leur région respective et envisagent des options comme les services interlignes et le camionnage à relais rapide. » En règle générale, cela signifie que les conducteurs se rencontrent dans des carrefours clés, échangent leurs remorques et regagnent leur terminal d’origine tous les soirs.

« Cela n’est pas sans poser certains problèmes – certaines situations de transport de marchandises seraient difficiles à gérer avec un système de relais rapide, poursuit Kevin. Mais c’est une façon d’adapter l’industrie du transport routier de façon à la rendre plus attrayante. »

Lorsque les conducteurs sont embauchés, il est important de leur prodiguer tous les outils dont ils ont besoin pour réussir dans l’industrie. « Pour bien faire, nous devons nous assurer que les conducteurs débutants bénéficient d’un encadrement approprié et que tous les conducteurs disposent des ressources, du soutien et de la formation nécessaires à leur réussite », indique-t-il.   

Cela peut aller de l’amélioration des avantages offerts aux employés à la création de mesures incitatives liées aux fiches de pointage des conducteurs, un outil d’évaluation du rendement qui repose généralement sur des mesures comme les excès de vitesse, les comportements agressifs ou l’utilisation de la marche au ralenti. Kevin est d’avis qu’au lieu d’utiliser les fiches de pointage strictement à des fins de rétroactions négatives, elles peuvent aussi servir à récompenser les réalisations et à livrer des commentaires positifs. « Nous devons continuer à adapter l’image du camionnage qui est projetée auprès de la population en général, surtout si on aspire à attirer des travailleurs dans l’industrie. »

Investir dans les conducteurs et leur démontrer que l’on se soucie d’eux se révélera également très utile. « Les entreprises qui traitent leurs conducteurs avec respect et qui investissent dans leur réussite ont une excellente réputation, ce qui incite les gens à s’y présenter », précise Kevin. 

Si la pénurie de main-d’œuvre est incontestablement un défi pour les entreprises de transport routier, une mise en garde s’impose du point de vue de l’assurance. « Ne baissez pas la garde, signale-t-il. Assurez-vous que votre processus de sélection des chauffeurs est aussi solide qu’il l’a toujours été et ne relâchez pas vos exigences. Si vous n’exercez pas la diligence requise, vous commencez à prendre des risques supplémentaires, ce qui augmentera vos risques de pertes. »

 

Sources 

1 RH Camionnage Canada, Portrait du marché du travail, (en anglais seulement) janvier 2023
2 RH Camionnage Canada, Allocution d’ouverture au Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes, (en anglais seulement)
   17 octobre 2022
3,6 RH Camionnage Canada, Amener de nouveaux talents en camionnage et logistique, décembre 2021
4 RH Camionnage Canada, Portrait du marché du travail, (en anglais seulement) novembre 2022 
5 Alliance canadienne du camionnage, Résoudre la pénurie de camionneurs est un investissement au Canada, 12 avril 2022

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